Fatigue


Atelier | sols&murs 4.4

                                                           et partout sur le carrelage, ça avait sauté sur les plinthes en inox, les portes de placards d’un blanc cassé, jauni, et la porte-fenêtre, et le mur, la tapisserie elle aussi d’un jaune crasseux, et le chrome piqué des pieds des chaises et de la table, mes pompes, et la serpillière introuvable, combien de papier essuie-tout il a fallu sur ce carrelage neuf de grands carreaux blancs légèrement marbré, de veines grises, noires, pour éponger la grande flaque rouge, violacée

Un parquet usé de fines lames. Un rayon de lumière entre de lourds rideaux occultants pour le relever d’un éclat ni brillant ni mat. Sur les murs deux posters se font face : une voiture de course dernier cri et une jeune femme élancée valant pour leurs formes, leurs courbes, les volutes qu’elles dessineraient si on ne gardait que leurs traits forts, comme des cernes.

La vérité, c’est plutôt la fatigue qui m’extorque. Pas eu envie d’écrire aujourd’hui, pas eu envie de lire. Et il faut tirer un soupçon d’énergie de ça, de là. De l’appel que j’ai attendu toute la journée. De l’entretien, de quelques mots, d’un oui, d’un non. La vérité, c’est que l’attente se retourne sur elle-même. Pas d’appel parce que j’en aurai trop dit dans la lettre ? parce qu’elle était trop convenue ? trop attendue ? parce que j’ai oublié de dire que ? et que ? ou bien ? non, je n’aurais pas dû dire que ? je n’aurais pas dû parlé de ? trop peu conventionnel ? bien trop pompeux ? fallait-il écrire le nom ? Voyez comme on n’est pas libre. Voyez comment le monde du travail — parce que c’est pour ça, l’appel, pour du travail, c’est pour ça, la lettre, dite de motivation —, même inconsciemment ici (j’ose l’espérer), vous rend honteux et coupable de son silence, de son absence. Du moins j’en fait une petite expérience. Rien, sans doute, à côté des personnes que j’ai pu rencontrer dans la Structure, depuis treize ans. Rien, peut-être, mais il faut le dire vite, parce que c’est la mienne. Parce que je ne connaîtrai jamais celle des autres. Parce qu’elle n’est peut-être pas si faible. Ça m’a coupé l’envie de lire et d’écrire aujourd’hui. — Et ce qu’on vient de lire alors ? me dira-t-on. — Je l’ai gagné au prix de quelques efforts et d’une certaine indifférence de ce qui se jouait. Et c’est peut-être mieux comme ça, et ça devrait peut-être se faire toujours comme ça. De faire ce qu’on à faire, à écrire, et ce faisant de s’en défaire. Comme si pour être plus libre d’écrire il valait mieux ne pas trop y penser, s’en libérer, l’écriture gagnant certainement autant à se libérer de celui qui voulait écrire.

|| Banksy — Create Escape (March 4, 2021) — avec la vidéo montrant comment il a procédé, de nuit. ||
Banksy – Create Escape (March 4, 2021) – Capture d’écran 2024-12-14 000648

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Will, a freelance writer with a passion for exploring the intersections between…

Non… je ne suis probablement pas comme ça. On reconnaîtra certainement là le style « bloc » de Wordpress, pratique pour en faire des tonnes.

Non, en vrai… je vis probablement en campagne (avec tout le confort de la ville) | je travaille probablement dans une structure associative (qui n’a d’association que le nom) | je suis probablement formateur (en matière de savoirs de base) | je prépare a priori des plans et des séquences de cours qui n’en sont pas vraiment (en arrière-plan, il en va aussi de la réparation) | j’écris probablement des textes (s’il se trouvent quelques lecteurs) | j’aime relativement l’expression conte de faits (tant pis pour le jeu de mots facile) | j’aime évidemment bien d’autres choses (et j’en déteste sûrement tout autant) | etc.

Mais, en vrai, quand on se place au niveau des plis et des replis infimes de la matière, où les particules demeurent impossibles à localiser précisément dans l’espace, où elles semblent furtives, virtuelles… rien n’est sûr. Raison pour laquelle certain·es artistes, conscient·es de cet état de fait, tout en rythmes aléatoires, cultivent leur art en les utilisant sous l’espèce de l’inachevé. Manière de dire…

« que ma musique soit comme le temps qu’il fait, un bruit fractal, intrinsèquement changeant, qui présente des conditions dans le même temps qu’il y répond »

ou…

« ni ceci ni cela… mais quelque part par là ou par ici »

(Cela dit, les exemples de Wordpress ne manquent pas d’humour : Bonjour ! Je suis un mécanicien qui aspire à devenir acteur, et voici mon site.)