Carrefour

Atelier | roman maison 3.3

Les bouffes entre potes, c’était toujours le même dispositif. Une table — de cuisine, de salon, de jardin, de camping, ou la basse dans le salon, voire le bureau, les tables de chevet quand la soirée basculait, ou un simple coffre de voiture, une fois une brouette, une planche de surf, un conteneur poubelle, un tronc d’arbre abattu —, de quoi s’asseoir — on trouve toujours —, et on déposait ce qu’on avait apporté sur la table ou ce qui en faisait office. On mangeait surtout liquide, mais rien ne manquait. Le lendemain, entre les cadavres de bouteilles, les gobelets, les assiettes et les couverts en plastique, on retrouvait sur la table, et souvent par terre, des cacahuètes et des noix de cajou, des croustilles, des bretzels brisés, des chips en miettes, des tomates cerise, des bâtonnets de carottes et de concombres dans une assiette aspergée de vin, des olives et surtout des noyaux dans le verre cendrier, des toasts de pain de mie, des traces de mayonnaise, des rondelles d’œufs en bouillie, des tranches de pain trouée, du pâté, des rillettes tombées du couteau, des dés de cake au jambon, de quiche, des parts de pizzas aux fromages, le gras du rôti de porc dans les assiettes, parfois de bœuf, du jambon sec, des rondelles de saucisson piétinées, des bouts de merguez et de ventrèche plein de cendre, des morceaux de pommes de terre bouillie, des grains de riz, des pâtes, de la pomme écrasée dans sa pâte, du cake au citron effrité, de la glace, et des emballages, du papier aluminium, du papier film, et d’autres petits papiers aux inscriptions colorées dispersés, envolés.

San Martino del Carso – Google Earth – Capture d’écran 2024-12-04 160409
||                                               Quelques moignons de mur 2

C’est un poème sur un bloc de mur. Un des premiers poèmes de Giuseppe Ungaretti écrit en 1916. Il s’intitule « San Martino del Carso », du nom d’un village au nord-est de l’Italie, entouré de bois, non loin de la frontière. On peut le lire dans le premier recueil du poète Il Porto sepolto (Le Port enterré) — ou Vie d’un homme. On le lit aussi à San Martino del Carso même. On le lit sur une stèle située à un carrefour. Une croisée de chemins resserrée, comme un X élancé. Une grande inconnue ? On le lit à côté d’un stop, au pied d’une vierge. Un poème sur une stèle, une pierre. Comme un reste de mur. C’est un poème qui fait ce qu’il dit, en somme, qui fait ce qu’il écrit. Un poème qui fait ce qu’il vit. Et ce qu’il peut, entre la vie et la mort, entre les mots et les vers. Pour et sur un brandello de mur branlant, tombé. Une ruine à travers le temps. Un signal ? On arrive, on s’arrête. Un œil à droite, un autre à gauche, la voie est libre. Un temps d’arrêt sur la vierge, la stèle, le poème (un bouquet, peut-être). On vient de tomber dans le panneau. La voix aussi est libre ? ||

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Will, a freelance writer with a passion for exploring the intersections between…

Non… je ne suis probablement pas comme ça. On reconnaîtra certainement là le style « bloc » de Wordpress, pratique pour en faire des tonnes.

Non, en vrai… je vis probablement en campagne (avec tout le confort de la ville) | je travaille probablement dans une structure associative (qui n’a d’association que le nom) | je suis probablement formateur (en matière de savoirs de base) | je prépare a priori des plans et des séquences de cours qui n’en sont pas vraiment (en arrière-plan, il en va aussi de la réparation) | j’écris probablement des textes (s’il se trouvent quelques lecteurs) | j’aime relativement l’expression conte de faits (tant pis pour le jeu de mots facile) | j’aime évidemment bien d’autres choses (et j’en déteste sûrement tout autant) | etc.

Mais, en vrai, quand on se place au niveau des plis et des replis infimes de la matière, où les particules demeurent impossibles à localiser précisément dans l’espace, où elles semblent furtives, virtuelles… rien n’est sûr. Raison pour laquelle certain·es artistes, conscient·es de cet état de fait, tout en rythmes aléatoires, cultivent leur art en les utilisant sous l’espèce de l’inachevé. Manière de dire…

« que ma musique soit comme le temps qu’il fait, un bruit fractal, intrinsèquement changeant, qui présente des conditions dans le même temps qu’il y répond »

ou…

« ni ceci ni cela… mais quelque part par là ou par ici »

(Cela dit, les exemples de Wordpress ne manquent pas d’humour : Bonjour ! Je suis un mécanicien qui aspire à devenir acteur, et voici mon site.)